18-11—25

projet MAK: visite de Ph. Cappelle chez Adeska à Kahemba (RDC) fin septembre 2025

Dans le cadre du projet MAK – Weltladen notre collaborateur Ph. Cappelle a visité Adeska du 22 au 25 Septembre 2025 à Kahemba (RDC). Il y a rencontré le directeur d’Adeska, Mr. C. Dimuna, son conseillé architecte, R. Kabam’AP’, ainsi que Mr. S. Mubiala du BDD et Mad. N. Mashukano du Progamme National de Nutrition RDC (Pronanut). Sur la photo on distingue au centre Ph. Cappelle, à gauche de lui il y a Mr. C. Dimuna, directeur d’Adeska, à droite S. Mubiala du BDD et à l’extrême droite de la photo, Julien, son chauffeur attitré.

  1. CONTEXTE ACTUEL DU PROJET

Lors du séjour à Kahemba Ph. Cappelle a remarqué que des mauvaises pratiques de rouissage existent encore et cela en particulier pendant la saison sèche où le rouissage s’effectue parfois dans des fûts avec un renouvelle-ment d’eau insuffisant.

Mr. Dimuna espère que le futur atelier de service chez Adeska permettra surtout de réduire la pénibilité du travail pour les paysannes dont la culture et la transformation du manioc constituent la principale source de subsistance. L’étape de rouissage, qui dure 4 à 5 jours, est devenue fort contraignante les dernières années, car aux rares points d’eau disponibles à proximité de la ville, le manioc en cours de rouissage y fait l’objet de vols fréquents. Cette situation oblige les femmes à créer des camps de travail avec une permanence de surveillance. De plus, à cause de cette menace de vol, elles s’éloignent de plus en plus de la ville de Kahemba. C’est dans ce contexte particulier qu’Adeska conçoit l’installation du futur atelier de service.

Les informations dont nous disposons pour évaluer les besoins de la population sont essentiellement qualitatives. Pour bien anticiper les chances de succès du projet nous manquons malheureusement de données quantitatives comme le nombre de personnes intéressées et les volumes de manioc qu’elles pourraient apporter à l’atelier. La population concernée est essentiellement composée de paysannes habitant Kahemba plutôt que les villages des alentours. Les champs de manioc qu’elles exploitent se trouvent dispersés dans un rayon de 20 km autour de Kahemba. Outre le vol du manioc, les efforts nécessaires pour transporter le manioc en ville est un sérieux problème de logistique, vu le mauvais état des pistes autour de Kahemba.

Les avantages que le projet MAK peut offrir aux paysannes dans le cadre de ce contexte sont les suivantes :
–    le projet annule les problèmes pratiques lié au rouissage en supprimant totalement cette étape de                        transformation ;
–    ce projet permettra aussi de cultiver le manioc plus près de la ville vu la suppression du risque de vol, ce qui réduirait aussi la pénibilité du transport de manioc ;
–    la détoxification du manioc sera aussi mieux garantie.

2.  FAISABILITE DU PROJET

La Dr. Mashukano du Pronanut a souligné l’importance d’une étude de faisabilité préliminaire qui prenne également en compte la résistance au changement par la population. Tout au long de sa carrière, elle a malheureusement vu trop de projets échouer par ce qu’ils avaient négligé les habitudes souvent bien ancrées des bénéficiaires potentiels. Si la campagne d’information et de sensibilisation préalable n’est pas suffisamment soignée, le moindre dysfonctionnement dans l’atelier de service (panne, long temps d’attente, mélange des différentes sources de manioc, …) pourrait vite décourager les paysannes à aller avec leur manioc à l’atelier de transformation.

La gestion de flux sera un des défis majeurs pour l’atelier de service. En cas de sous-fréquentation, il n’atteindra pas l’équilibre économique nécessaire pour assurer la pérennité du projet. En cas de surfréquentation, il s’exposera au contraire à des risques de conflits et de découragement auprès des paysannes, voire même à de gaspillages si la matière ne peut pas être traitée en temps voulu. Donc une planification, tenant compte des habitudes locales, sera indispensable. Les arrivages devront être étalés autant que possible sur l’ensemble de la journée et cela dès l’ouverture de l’atelier à 8 h du matin. Dans ce contexte, la motivation et les compétences humaines du responsable d’atelier en termes de leadership, d’esprit d’accueil seront essentielles, car sans elles son autorité sera rapidement contestée avec des pertes importantes de productivité de l’atelier.
Peut-être faudrait-il aller jusqu’à repenser le mode de fonctionnement de l’atelier en envisageant, par exemple, un simple échange du manioc épluché contre une certaine quantité de farine (produit fini) ou de manioc broyé et pressé (produit intermédiaire) qui aurait lieu dès l’arrivée du client après un rapide contrôle de la qualité de son manioc. La production serait donc entièrement prise en charge par le personnel de l’atelier lui-même, ce qui réduirait fortement les temps d’attente des coopérateurs et permettrait aussi d’accroître la productivité de l’atelier en évitant les temps morts.

En outre, l’organisation de l’atelier et de sa campagne de promotion exigeront aussi la prise en compte de toutes les formes de résistance, justifiées ou non, que le projet risque de rencontrer:

• au principe de contribution (en nature),
• au volume de travail à fournir qui peut paraître supérieur à celui du rouissage si l’on ne considère pas le transport de matière,
• au fait que les manipulations de manioc exigées par le séchage solaire seront un peu moins faciles à l’état pulvérulent que sous forme de tubercules ou de cossettes,
• aux habitudes alimentaires, le goût du manioc étant probablement influencé par le début de fermentation qui accompagne le rouissage traditionnel,
• à un manque de confiance vis-à-vis des gestionnaires de l’atelier.

Le terrain d’Adeska où est prévu l’installation du futur atelier de transformation se situe à Kahemba. Vu que le poids des tubercules épluchés qu’il faudra acheminer vers l’atelier d’Adeska est 3 fois supérieur à celui des cossettes de manioc rouies et séchées, on doit se poser la question si la pénibilité du transport ne sera pas un frein majeur au développement du projet. La distance à parcourir entre les champs de manioc et le nouvel atelier de transformation est donc un élément critique pour la réussite du projet. Une cartographie des champs de manioc et des points d’eau nous permettra de peaufiner le projet d’installation d’un atelier central et de plusieurs petits ateliers partiels dans la périphérie de Kahemba.

3.  INFRASTRUCTURES EXISTANTES D’ADESKA

Leur parcelle de terrain (figure 1) correspond à ± un rectangle de 35*26 m avec une superficie totale d’environ 900 m². L’espace est entièrement fermé par des clôtures en bambou et en tôles ondulées. Il est gardé en permanence par un membre du personnel. Le bâtiment existant qui abrite notamment les bureaux de l’association occupe un rectangle d’à peu près 120 m², auquel se jouxte une terrasse d’à peu près 20 m² à l’arrière.

Figure 1 : Aperçu du terrain d’Adeska, où le futur atelier de transformation sera construit.

4.  CONSTRUCTION D’UN ATELIER DE TRANSFORMATION DU MANIOC

Adeska envisage la construction d’un nouveau bâtiment consacré entièrement à la transformation du manioc dans l’angle sud-ouest de leur parcelle. Vu l’encombrement des différentes machines de transformation de CODEART, ce bâtiment de plain-pied aura une emprise au sol de 4,50 m x 11,60 m = 52,20 m². Une paroi intérieure séparera la zone humide (consacrée aux opérations de lavage, de broyage, de pressage et de fragmentation) de la zone sèche réservée à la mouture finale du manioc. Excepté la réalisation de la dalle en béton armé, qui nécessitera l’intervention d’une entreprise de génie civil, sur base d’un devis, le reste de la construction (charpente en bois, couverture en tôle ondulée et bardages en bambou) pourra être réalisé par le personnel d’Adeska.

Le chantier comprendra aussi l’aménagement d’une rigole ouverte en béton pour envoyer les eaux usées vers un puit perdu existant à l’angle sud-est de la parcelle. Ce puit de forme carrée de 4 m2 et d’une profondeur d’au moins 1 mètre n’a jamais subi de débordement en saison des pluies, car le sol sablonneux assure un drainage en profondeur et évite ainsi de polluer le terrain voisin.

5.  APPROVISIONNEMENT EN EAU

Adeska sera bientôt raccordé à une borne d’eau potable située à 340 mètres de leur parcelle. L’association réalisera le raccordement souterrain sur fond propre. Le prix de cette eau courante (10 000 Fc/m³) est tout à fait abordable pour le projet comme le montre le pré-calcul économique. Adeska dispose aussi d’une cuve de 1000 litres pour assurer l’autonomie nécessaire en cas de coupure d’eau, mais un soubassement adapté doit être créé pour supporter la cuve.

6.  EQUILIBRE ECONOMIQUE DU PROJET

Au vu des données actuelles et de l’étude de faisabilité, l’obtention d’un équilibre économique parait possible à condition d’y intégrer la mouture de maïs comme service complémentaire. Un fonctionnement à plein régime, avec l’ajout éventuel d’une troisième presse, améliorerait la rentabilité de l’atelier en réduisant le poids relatif aux frais fixes, mais le transport de matière première vers Kahemba risque de constituer un sérieux frein à la production.

7.  TABLES DE SECHAGE DU MANIOC

Mr. Dimuna a bien confirmé la capacité d’Adeska de fabriquer des tables de séchage au départ de bambou par leurs propres moyens. La figure 2 illustre les possibilités offertes par le bambou dont les tiges peuvent être coupées en deux dans la longueur si nécessaire. Codeart se contentera alors de fournir le film plastique noir servant à couvrir ses tables et à protéger le manioc en cas de pluie.

Figure 2 : Example de réalisation en bambou par Adeska

8.  DIVERS

Mr. Dimuna souligne l’importance qu’aurait un subside supplémentaire pour aider à financer le fonctionnement de l’atelier au cours des premiers mois de mise en service. Par ailleurs, Adeska compte faire appel aux services d’une nutritionniste pour assurer la promotion du projet auprès des paysannes, des écoles et des centres de santé, etc… Cette nutritionniste pourrait aussi travailler sur l’élaboration de nouvelles recettes valorisant la pâte d’arachide.

Concernant l’approvisionnement en arachides, il faut s’éloigner 60 à 90 km de Kahemba pour trouver des sols adaptés à la culture des arachides. Par conséquent, ce sont les paysans de Feshi ou d’autres terres situées à ±90 km qui viennent vendre leurs arachides au marché de Kahemba pendant les deux périodes de récolte (de décembre à février et au mois de mai). Mais ces producteurs ne stockent pas et en dehors de ces périodes, il ne reste que la zone de Kikwit pour s’approvisionner en arachides si l’on n’a pas constitué son propre stock.